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léonora miano

  • Soulfood équatoriale

    Saint-LCA seul sait pourquoi je me suis prise de tendresse pour la collections Exquis d'écrivains de Nil éditions, sachant que j'ai été très déçue par ma première expérience, tout juste convaincue par la seconde. Saint-LCA étant bon avec ses ouailles, la troisième a été la bonne: Soulfood équatoriale est un petit bijou.

    Léonora Miano a une plume splendide, charnelle, imagée, parfaitement maîtrisée et exprime dans chacun des courts chapitres de ce récit un amour profond de son pays d'origine et de sa cuisine. Je suis certes gourmande, mais je pense que même un ascète ne pourrait rester insensible à ses descriptions de plats, mais surtout de la vie qui se déploie autour des cuisines, des restaurants, des vendeuses de rue. Manger n'est pas seulement se nourrir. Dis moi ce que tu manges et je te dirais qui tu es: la cuisine est la quintessence de la culture d'un pays, le révélateur absolu de ce qu'elle est. Elle est le rappel des jours enfuis. Proust avait sa madeleine, Léonora Miano a sa pierre à écraser:

    "Il est des jours comme celui-ci où une fringale de rivage me prend. En un rien de temps, je l'aperçois. Le voici. Là, sous mes mains qui cherchent, dans le placard de la cuisine, le gros galet plat et sa petite pierre ronde. Une pierre dense et solide. Elle sert à écraser, une fois posée sur le galet, les ingrédients de la sauce qui me raménera chez moi. Je la laisse épouser parfaitement le creux de ma main.

    Aussitôt, j'entends le clapotis de l'eau sur les rochers. Le chant des pêcheurs qui rapportent une moisson de soles à braiser pour les fines cuisinières de la côte.

    Tout est dans la forme de la pierre à écraser. Dans son crissement régulier. Dans les parfums qui sont imprimés en elle au fil des ans. Mon âme se repaît de ces souvenirs, tandis que j'apprête, sur le plan de travail, près de la pierre, les minuscules crevettes séchées et le gingembre frais."

    C'est ça la soulfood: la nourriture qui touche l'âme. Mais c'est aussi le mélange des ingrédients d'Afrique, d'Amériques, d'Europe, le mélange des traditions culinaires né des grands mouvements de l'histoire: colonisation, esclavage, développement du commerce. Igname, miele, misole, ndjangsang, pebe, pains chargés, jazz, gumbo, sorgho, gombo, manioc, morue séchée, etc., des ingrédients qui fleurent bon une cuisine colorée, épicée, chaleureuse.

    Au fil de ses souvenirs, Léonora Miano donne à sentir le Douala de son enfance, un pays où les aliments ont un goût incomparable mais où la faim peut faire d'un avocat trop mûr un véritable trésor. Elle parle de la cuisine, la vraie, celle qui révèle les âmes, celle qui peut décider d'un amour, celle qui est porteuse des légendes et des traditions, celle pour laquelle il y a des tours de mains gardés secrets pour mieux donner envie aux invités de revenir, celle pour laquelle il n'y a pas besoin de verres doseurs. Il y a de véritables petits bijous, comme l'histoire de Florence qui fait préparer un solo à ses prétendants pour la départager, ou les conseils de l'auteur pour mieux tromper son homme en cuisine. Je me garderais bien de trop en dire, pour ne pas déflorer le plaisir de découvrir ces merveilleuses tranches de vie, pleine d'humour.

    C'est peu de le dire que j'ai été séduite. Elle dit à la perfection tout ce que représente la cuisine pour moi: la trompeuse simplicité, le plaisir du partage, le plaisir d'offrir, les ruses, le bonheur de choisir ses ingrédients et de sentir leur odeur, leur forme. Bonus, c'est l'Afrique équatoriale qui est rentrée chez moi et l'envie qui est née d'essayer malgré tout de remplir ma cuisine des effluves du solo et des bananes plantains.

     L'avis de Cathulu,  de Bookomaton,...

     

    Merci à Balelio qui m'a envoyé ce petit bijou dans le cadre de l'opération Masse Critique!

     

    Léonora Miano, Soulfood équatoriale, Nil, 2009, 4/5