Cuné m'ayant très justement fait remarquer que nous étions déjà le 16 et que j'avais annoncé mon retour dans le monde merveilleux de la blogosphère pour le 15, je me suis jetée, toute contrite, sur mon clavier, atterrée de ne pas avoir entendu les avertissements de ma montre de gousset et la petite voix sur mon épaule me susurrant: "Mais par mes moustaches, tu es en r'tard!". Et me demandant au passage si j'allais encore savoir écrire un billet. Suspense. Angoisse intense. Sueurs froides. Tremblements convulsifs. Mon Dieu mais de quoi vais-je bien pouvoir parler? Du roman que tu as terminé ce midi patate! Ah, oui, c'est vrai, un roman. C'est que j'avais perdu l'habitude de ces petites choses là moi! Bon, roman sous le coude, check, clavier opérationnel, manifestement puisque je suis en train de taper des idioties, porte-clé muffin, accroché au porte-clé, le Doctor, à son poste, couinement,... Mais je m'égare. Quoi que le roman dont je vais bien finir par vous parler mérite quelques petits couinements. Parce que raconter comme ça le Moyen-Âge, j'affirme que cela mérite un, voire deux couinements. Là. Ca, c'est dit! Comment ça ce n'est pas suffisant? Ah bon? Bon, alors place à Chien du Heaume!
Chien du Heaume, c'est le nom qu'a gagné la mercenaire sans nom au fil de ses combats. Un nom qui ne remplace pas celui dont elle ne se souvient pas, celui qu'elle a perdu en suivant sur la route son père, celui qu'elle cherche désespérement pour enfin retrouver une identité, une existence, pourquoi pas une famille qui se souviendra d'elle après sa mort. Mais si la quête d'un nom n'est pas si facile, elle peut amener aussi amener à des rencontres qui changent une vie. Comme celle du chevalier Sanglier en son castel de Broe, celle de Regehir le forgeron, celle d'Iynge, et celle de Noalle la cruelle.
Une légende, de celles qu'on raconte au coin du feu un soir d'hiver. C'est un peu ce à quoi fait penser l'histoire pleine de sang et de douleur qui est celle de Chien. Parce qu'il y a ce Moyen-Âge froid et violent, brûlant des passions humaines, un monde en transition qui voit les derniers mystères s'effacer devant le Dieu chrétien. Parce qu'il y a la voix du conteur aussi qui parfois se fait entendre. Parce qu'il y a, comme dans les légendes, des combats, des souffrances, de folles amours. C'est peu de dire que j'ai aimé cette très belle histoire. D'abord pour ses personnages en fait. Chien la première, laide, ronde, experte dans le maniement de cette hache qui ne l'a jamais quittée depuis la mort de son père. A la fois mercenaire sans foi ni loi et capable du plus grand dévouement et du plus grand amour, souffrant de son identité perdue et prête à tout pour retrouver son nom et ses racines. Derrière elle Bruec, le chevalier Sanglier et son ost, Regehir le forgeron, un peu conteur, un peu menteur, virtuose du métal, Iyinge le beau, trop tendre pour le métier des armes, et les autres: Bréhyr le faucon incarnée en femme, Noalle et ses yeux verts et trompeurs, La Salamandre et les mystères que cache son armure.Tous trop complexes pour jamais devenir des héros. J'ai aimé découvrir leurs failles, leurs secrets, leurs souffrances cachées, j'ai aimé les voir grandir peu à peu, et mourir parfois. J'ai aimé leurs relations d'amour, d'amitié, de loyauté ou de haine, le tout étant mêlé parfois.
A travers eux, on plonge dans un Moyen-Âge saisissant, une atmosphère de brumes, d'hivers glacés, d'étés brûlants qui happe. C'est à la fois intensément poétique, crûment réaliste, d'une grande justesse jusque dans la langue, travaillé avec juste ce qu'il faut de ce qui sonne à nos oreilles comme des archaïsmes pour sonner vrai sans alourdir le récit. Il est vrai que ce récit pêche un peu par moment: un peu trop long par ci, un peu trop rapide par là,, une chute un brin décevante. Mais toujours cette ambiance fabuleuse qui fait tout oublié et me donnait envie de retrouver Chien et les autres et de ne plus les laisser aller.
Et puis dans Chien du Heaume, il y a aussi cette vision d'une femme guerrière loin des clichés du genre, une femme forte, poignante dans ses faiblesses, et sa confrontation avec une autre, tellement différente, annonciatrice d'un monde qui change, d'une religion qui va faire des dames des êtres qui ne trouveront le salut que dans la ruse et la foi. Il y a cette vision d'un monde mourant et les mots poignants d'un homme qui sent son monde s'évanouir. Il y a ces souvenirs égrénés pendant une nuit de garde et les échos d'anciennes batailles. Il y a le souffle des pays lointains et des hommes, des êtres et des choses qui vont devenir la trame des contes et des légendes. Il y a ce nom qui s'échappe et la question lancinante de savoir si ce nom vous définit.
Au point de se sentir un peu perdue à la dernière page.
Merci Justine Niogret pour ce roman. Merci aussi pour ce lexique pour le moins décoiffant dont le souvenir me fait encore rire! A très vite j'espère!
Et billet dédicacé au passage à Mo qui a, comme moi, des réactions couino-manique devant certaine période historique...
Niogret, Justine, Chien du Heaume, Mnémos, 2009, 205 p., un lexique à ne pas manquer et un prix Imaginales fort mérité!