A la fin de la dynastie Ming, en des temps troublés, dans un monastère de haute montagne, un homme qui n’a pas encore prononcé ses vœux part à la recherche de la seule femme qu’il ait jamais aimé. Une femme qu’il n’a pas vue depuis trente ans. Un souvenir qui l’a empêché de trouver la paix et de suivre la voie de la voie qui est la sienne, entre bouddhisme et taoïsme.
Par quoi commencer… Le pour ? Allons y pour le pour ! L’éternité n’est pas de trop est un roman riche, manifestement érudit mais sans pédanterie aucune. Les personnages sont bien campés, leurs histoires racontées avec finesse et délicatesse. On retrouve les mêmes archétypes qu’avec Roméo et Juliette, la princesse de Clèves, Tristan et Iseult, la culture chinoise et l’histoire de la Chine en plus.
A travers les personnages des amants maudits, Dao-Sheng le devin et Lan-Ying, le lecteur découvre une Chine encore féodale où les étrangers commencent à pénétrer. On en a un exemple avec les personnages des deux jésuites que rencontre le héros de cette histoire. La dynastie Ming est sur le déclin : la Chine vit une période troublée où le système politique, administratif, social vacille. Pourtant, les traditions demeurent présentent. Enfermement des femmes, conventions sociales, importance des pratiques religieuses, hermétisme des castes, toute-puissance des riches et des bien nés. Importance aussi des fêtes qui se succèdent, marquant l’année de leurs rites et de leurs retrouvailles. Elles sont particulièrement importantes pour les deux amants puisqu’elles symbolisent leur amour impossible sur cette terre. L’image de ces deux étoiles, le bouvier et la tisserande qui se retrouvent une fois l’an est très belle. Elle est prétexte à une fête des amants et à des retrouvailles d’une rare force.
Pourtant cet amour reste chaste. L’absence de contacts charnels, les contraintes le rendent encore plus fort. L’esprit prend le pas sur le corps même si cela n’est atteint qu’après une lutte contre soi. Et les rares moments où les mains peuvent se toucher, les regards se rencontrer prennent une importance et une intensité folle.
J’ai aimé la description de la philosophie bouddhique et taoïste, celle de la médecine chinoise. Quand à la réflexion sur la rencontre des cultures, l’acceptation de l’altérité, elle est passionnante : la rencontre du moine taoïste et du jésuite donne lieu à une discussion assez profonde sur le spirituel, l’amour, le salut.
L’amour qui uni les deux héros, à défaut de pouvoir être charnel devient purement spirituel. Il est une quête, une réflexion permanente, une lutte pour l’acceptation. Cette réflexion empreint le récit du début à la fin. Du coup, je ne suis pas parvenue à m’investir totalement dans cette histoire. L’intérêt intellectuel était présent, l’émotion parfois à quelques lignes particulièrement poétiques, mais pas réellement de plaisir. Peut-être en partie à cause d’un symbolisme trop présent : le moindre acte prend une signification, est source d’interrogations sans fin et d’analyses qui prennent à mon avis parfois trop de place.
Par ailleurs, j’ai eu du mal à me faire au style de François Cheng. C’est sans doute cela qui m’a le plus gênée dans ma lecture et qui explique en partie que je ne sois pas totalement rentrée dedans.
Bref, une belle lecture mais loin, très loin du coup de cœur.
François Cheng, L'éternité n'est pas de trop, Livre de poche, 2003, 246 p.