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delteil

  • Jeanne d'Arc

    "Si j'ai entrepris d'écrire une Vie de Jeanne d'Arc, c'est d'abord parce que je l'aime. Et voilà une raison suffisante! Je crois être aujourd'hui le seul homme capable de comprendre cette enfant. Elle m'est aussi proche et aussi naturelle qu'une soeur. Je l'ai amenée à moi à travers le désert archéologique. Elle est là, toute neuve devant mes yeux. Les vieilleries de l'histoire, la dessication du temps ne lui ôtent ni ses fraîches couleurs, ni son sourire de chair. Non, ce n'est pas une légende, ce n'est pas une momie. Foin du document et foin de la couleur locale! Je n'ai dessein ici que de montrer une fille de France.

    Ma Jeanne d'Arc a 18 ans."

    Inclassable. C'est ainsi que je définirais la plume de Joseph Delteil. Cet écrivain du début du 20e siècle, méridional monté à Paris, un peu symboliste, un peu surréaliste a tracé sa route sans guère se soucier de l'avis de ses contemporains et en provoquant autour de lui des débats et des conflits passionnés. Son Jeanne d'Arc en est un parfait exemple. Prix fémina, ce récit provoqua l'ire des surréalistes et la colère des catholiques. Pour des raisons différentes, certes, mais avec la même virulence, une partie importante du monde littéraire des années 1920 s'abattit sur l'oeuvre. Mais qu'a donc fait Joseph Delteil pour provoquer de telles réactions. Rien, si ce n'est proclamer son amour profond pour la figure de Jeanne d'Arc. Pas la sainte, pas le symbole brandi en politique comme un étendart ou haï pour les valeurs morales et religieuses dont elle est parée, mais la jeune fille partie en guerre, la fille de France.

    Jeanne d'Arc est un OVNI littéraire. Delteil donne, certes, dans le genre hagiographique, mais une hagiographie marquée par le burlesque, une certaine trivialité et un lyrisme qui laisse parfois perplexe. Sa Jeanne d'Arc est une paysanne en pleine santé, pleine de bon sens et de foi, une jeune femme ancrée dans la terre même si sa tête est au ciel. Un être humain qui a des besoins physiques, qui parle une langue truculente. Le récit est étonnant de folie et d'audace: la sainte qui reste aujourd'hui un symbole politique fort y acquiert un aspect neuf, attachant. Delteil en parle avec passion, tendresse, presque amour: il en devient destabilisant, presque inquiétant par moment.

    Lire Delteil, c'est accepter de laisser ses habitudes au vestiaire et s'embarquer dans un drôle de voyage. J'avoue n'avoir pas adhéré particulièrement au style de l'auteur, mais plusieurs mois après ma lecture, Jeanne d'Arc trotte encore dans ma petite tête, signe, vous me l'accorderez, d'une lecture marquante. A découvrir.

    Merci à JMJ qui se reconnaîtra s'il passe dans le coin!

    Une étude passionnante par .

    Joseph Delteil, Jeanne d'Arc, Grasset, 1961