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critique culinaire

  • Gourmands, gourmandes, je vous ai compris...

    Ce n'est pas sans appréhensions que j'ai ouvert le premier roman de Muriel Barbéry. Après l'enchantement de L'élégance du hérisson, allais-je retrouver la magie? Le plaisir? Le cadeau que je venais de me faire serait-il vraiment un cadeau??? Que de tensions, que de suspense mesdames et messieurs!

    Et bien je vous rassure tout de suite, la déception n'a pas été au rendez-vous et je me suis fort bien passée d'elle.

    Une gourmandise donc. Le récit de l'agonie du plus grand critique gastronomique du monde. J'ai nommé Pierre Arthens. Le même que celui de L'élégance du hérisson. Et Pierre Arthens sur son lit de mort, part à la recherche d'une saveur oubliée, celle qui, s'il la retrouve, pourrait bien signifier sa rédemption.

     

    Je ne vais pas vous tromper sur la marchandise. C'est quand même moins bon que L'élégance du hérisson. Par exemple, l'alternance des points de vue ne m'a pas accrochée. Je l'ai trouvée un peu trop artificielle. Mais c'est bon quand même. Parce que finalement, ces petits chapitres qui voient intervenir l'entourage du maître et même Renée dressent le portrait d'un homme égoïste, destructeur, dur et absent qui a phagocyté sa famille et ses amis. Et ce portrait vient en faux avec le récit et les souvenirs de l'homme lui-même, loin d'être attachant, mais loin d'être le monstre décrit ailleurs. Comme quoi, ce que voient les autres et ce que nous sommes sous le vernis est toujours différent.

    C'est en tout cas avec sa voix à lui qu'on atteint de sommets. Sans concession avec lui-même et avec le monde qui l'entoure, il va égrener au fil de sa quête ses souvenirs gastronomiques. J'en ai encore les yeux qui brillent et les papilles qui frétillent.? Voilà un roman qui donne faim! Sa passion dévorante pour le goût, les sens, le plaisir de la nourriture donne des pages d'une sensualité extraordinaire. D'autant que chacun de ces souvenirs "gustatifs" s'accordent avec un contexte que le lecteur a pu connaître. Quand il raconte le retour de la plage, dans la chaleur de l'habitacle de la voiture avecle sable qui colle aux pieds et la torpeur qui gagne, j'ai retrouvé les sensations de mes étés d'enfants. Et la description du pain qu'il mangeait après ces matinées de baignades, a ramené sur ma langue le goût et la texture de la baguette du boulanger près de chez mes parents. Je suis encore ébouriffée par cette puissance d'évocation que Murile Barbéry atteint parfois. C'est sans parler de la tomate (qu'on retrouve d'ailleurs dans L'élégance du hérisson!) et de l'odeur du café du dimanche matin!!

    Sous le plaisir des mots et des mets pointent aussi des réflexions plus profondes sur la famille, la vie, la mort et ce que nous en faisons. Une petite musique qui pousse doucement à réflechir.

    Ce n'est pas incontournable sans doute, mais c'est un beau roman agréable et goûteux. A savourer.

    "Un tilleul qui embaume dans la fin du jour c'est un ravissement qui s'imprime en nous de manière indélébile et, au creux de notre joie d'exister, trace un sillon de bonheur que la douceur d'un soir de juillet à elle seule ne saurait expliquer."

     

    Muriel Barbéry, Une gourmandise, Gallimard, 2000, mai 2007 pour la version poche, 165 p.