Japon, époque des Guerres des Provinces, 16e siècle. Yamamot Kensuke, nain, borgne et boiteux va devenir le stratège génial du Tigre de Kai, le seigneur Takeda Harunobu Shingen et mener le clan Takeda de victoires en victoires. Vénérant son seigneur et sa concubine, Yubu au caractère aussi vif que sa beauté, il est soutenu par le rêve fou d'unifier le Japon. C'est la vie de ce personnage hors du commun que conte Yasushi Inoué.
Me plonger dans un roman de Yasushi Inoué est un plaisir que je m'offre de temps à autre. Il me reste encore beaucoup de ses oeuvres à découvrir, chose que je savoure à sa juste valeur. La quatrième de couverture et la couverture m'avait préparée à une ambiance assez différente de celle découverte dans Le maître de thé et Le fusil de chasse. Je n'ai pas été déçue.
Le sabre des Takeda un roman d'amour, un roman de vengeance, un roman de guerre, et un roman historique. Tout ça à la fois, promis, juré! Fil conducteur et principal héros du récit de Yasushi Inoué, Yamamoto Kensuke a réellement existé et reste un des personnages les plus mystérieux de l'histoire japonaise: jusqu'à la découverte d'une lettre mentionnant son nom, les historiens doutaient de son existence même. Il n'était qu'un des personnages des annales du clan Takeda, un homme dont les prouesses étaient louées. Le mystère qui entoure ce personnage est ce qui a permis à Yasushi Inoué de se l'approprier et de lui donner vie sous les traits d'un être difforme, dont l'intelligence et le génie tactique vont lui permettre de s'élever à un haut rang. Rônin (samouraï sans maître), Kensuke va s'introduire auprès de Takeda par la ruse, et révéler petit à petit son génie, mais aussi ses failles et ses doutes. L'amour profond qu'il éprouve pour dame Yubu dont la beauté l'éblouit, la loyauté dont il fait preuve envers l'homme qui a su le regarder franchement malgré sa laideur vont guider ses actes dans un Japon déchiré par des guerres incessantes. Pour tout dire, c'est un personnage extraordinaire.
J'ai aussi beaucoup aimé le personnage de dame Yubu, et la manière dont l'univers des femmes japonaises nobles se dessine en filigrane du récit. Dame Yubu, fille d'un seigneur vaincue, qui a refusé de se suicider comme l'honneur lui commandait va devenir la concubine du seigneur Takeda, position dangereuse s'il en est. Haïe par l'épouse légitime, mère d'un fils qui ne sera jamais au plus haut rang, elle hait et adore à la fois l'homme qui a fait d'elle moins qu'une épouse.
Chacun des trois personnages principaux lutte à sa manière pour vivre, continuer quelqu'en soit le prix, porté chacun par un rêve. Kensuke l'unification du Japon, Takeda le pouvoir, Yubu l'avenir de son fils. En fait, Inoué brosse une fresque historique, mais il fait des seigneurs, généraux et autres guerriers des personnages humains et non plus des ombres chinoises. Takeda, le farouche et génial chef de clan est aussi un jeune homme dépassé par le vieux stratège qui le couve comme une poule son oeuf, et qui se laisse embobiner par les manigances de sa concubine quand il ne se laisse pas dicter sa stratégie par le contenu de sa culotte. Cela lui donne des côtés exaspérants, attendrissants et drôle. Il en va de même pour Kansuke, qui désespère parfois devant les frasques de ses protégés, se laisse aller à une tendresse bougonne ou à un enthousiasme digne d'un jeune homme. Une chose est certaine, on s'attache à eux.
Le roman vaut également pour la description qui est faite du Japon du 16e siècle. L'univers des seigneurs de guerre et des samouraïs, les luttes de pouvoir entre clans, le poids de la religion, les stratégies matrimoniales et les règles du bushido forment un tout passionnant. C'est un monde impitoyable qui se dessine sous les yeux du lecteur, ou chaque bataille gagnée ouvre sur un nouveau combat, ou les ennemis abattus ne cessent d'être un danger que quand ils sont morts.
Tout cela m'a donné envie de retourner vers les films de Kurosawa. Et je crois que je ne vais pas me priver!
Yasushi Inoué, Le sabre des Takeda, Picquier, 2006, 4/5
Commentaires
Je connaissais Le Maître de thé mais il faut dire que ton billet donne vraiment envie de se plonger dans ce Japon du 16 eme, cela doit être un vrai roman à la fois instructif et fascinant! merci pour cette découverte
J'ai lu les 2 autres romans dont tu parles et je les avais apprécié.
Le résumé de celui ci est tentant et ton avis confirme cette impression.
Je note le titre, histoire éventuellement de faire péter le score de ma PAL.
@ Lael: il a écrit d'autres romans historiques qui ont l'air passionnant!
@ Hydromiel: pauvre PAL§§ J'ai résisté vaillemment aujourd'hui à la tentation d'un autre de ses romans! Je suis fière de moi! :-)
Inoue me tente beaucoup ! Et rien à voir mais tu es taguée :)
@ Praline: il vaut le détour! Je note le tag! Ce week-end!
Je connaissais "Le fusil de chasse", mais pas celui-ci ... Et ça tombe bien, je me suis inscrite au Wabi-sabi swap de Goëlen sur le Japon. Ce livre ne peut que m'intéresser ! Je le note pour découvrir ce mystérieux Japon !
@ Nanne: c'est en tout cas un bon moyen d'en découvrir un peu l'histoire! :-)
quel billet !!! ça c'est enthousiasmant, j'aime le japon, inoué,l'histoire, les sabres... enfin tout quoi :-)))
@ Yueyin: tu vas y trouver ton compte alors!
Ce roman ne me tente pas. Par contre, j'ai noté sur ma LAL un autre roman historique publié par Picquier : "Le Dernier shogun".
@ Naina: Picquier a des parutions vraiment sympas et très diversifiées! De quoi trouver son compte! Je n'ai pas encore croisé ce titre mais je vais aller y voir de plus près! :-)
j'ai lu ce livre il y a 2 ans .. et j'ai eu de la peine à le terminer. J'ai adoré la narration des batailles et des intrigues de cour, mais à un moment j'ai eu de la peine avec les longueurs et j'ai survolé les 100 dernières pages. J'avais nettement préféré "le fusil de chasse".
@ Eléa: j'avoue ne pas y avoir vu de longueurs, mais c'est parce que j'étais vraiment emportée par les intrigues racontée! C'était tellement différent du fusil que je ne peux pas dire lequel j'ai préféré des deux!