Un homme, trois femmes, trois lettres, un drame.
Cela suffit pour résumer Un fusil de chasse, mais pas la richesse de son contenu. Comme dans Le maître du thé, Yasushi Inoué utilise un procédé détourné pour introduire son histoire, comme si, finalement, il n’en était pas l’auteur. Il dit ainsi avoir un jour reçu d’un homme touché par un des poèmes les trois lettres qui ont scellé son existence.
La première, de la main de la fille de sa maîtresse dit la douleur de cette jeune femme qui découvre derrière sa mère la femme amoureuse. Elle ne comprend pas cette liaison qui a détruit, pense-t-elle, sa mère. Elle ne comprend plus cette mère qui devient humaine et faillible. A la souffrance de la perte, s’ajoute la souffrance de perdre l’image de la mère et aussi celle de celui qu’elle pensait être son oncle et qui était l’amant. Un monde qui s’effondre finalement. La relation amoureuse qu’elle décrit d’après le journal intime de sa mère est atroce.
Pourtant, alors qu’on pensait avoir compris les tenants et aboutissants de cette histoire, la seconde lettre, de la main de la femme légitime change la donne. Elle dit la découverte de l’adultère, les années de mensonge, la douleur, la vengeance et finalement, la lassitude. Elle dit que derrière les apparences se cachent bien des choses. Midori puisque c’est son prénom a vu ses illusions et ses espoirs de jeune mariée brisés, détruits en un instant. Sa fuite dans les plaisirs et dans un adultère vengeur ne lui a rien apporté d’autre que de la douleur, de la tristesse. Comment se remettre lorsque l’époux vous trompe avec votre propre cousine ?
S’ajoute alors la dernière lettre, de la main de la maîtresse. Une lettre qui dit l’amour fou, le bonheur, aux antipodes de ce que racontait la première lettre. Elle dit aussi l’angoisse, la peine et la décision du suicide.
Court, cette presque nouvelle n’en a pas moins une force énorme. Yasushi Inoué fait entendre tout à tour les voix si différentes de trois femmes. Trois aspects de l’amour finalement, trois déceptions, trois vengeances, trois douleurs. Ce qu’il dit, au-delà de l’histoire d’amour, c’est que l’on ne connaît jamais réellement ceux qui nous sont proches. Chacune des femmes qui s’expriment apparaît différente de ce qu’elle semblait être décrite par les autres. L’homme, lui, montre trois visages presque antagonistes.
Sous le style froid, distant perce la passion. Tout ceci est très caractéristique de la culture japonaise : la sensualité, la force des sentiments sous une apparence de flegme et d’indifférence. La sobriété de l’écriture renforce encore l’impact de ce drame.
Une belle lecture.
Yasushi Inoué, Le fusil de chasse, Stock, 1985, 91 p.
Commentaires
C'est réellement tentant comme commentaire. J'aime les romans épistolaires en général et ce thème m'intéresse beaucoup! je note!
It's in my challenge! :))
J'avais beaucoup aimé moi aussi! Je l'avais noté suite à une interview d'une personne célèbre qui disait avoir offert ce livre maintes fois tellement il retranscrit bien tous les aspects de l'amour.
comme d'habitude, tu sais donner envie mais je vais quand même passer... le sujet ne me tente pas des masses!
En plus le fait que les trois lettres soient autant de points de vue donne vraiment de l'ampeur. C'est intéressant, bien écrit et passionnant! Que du bonheur!
Tu veux que je te le prête? Tu vas voir, c'est un régal!
En fait c'est de ta faute si je me suis jetée dessus! Après ton commentaire sur Le mâitre du thé, je l'ai trouvé...et j'ai craqué! En tout cas, je ne le regrette absoument pas. C'est vrai que l'amour y est particulièrement bien décrit.
Ben alors! Une belle histoire d'amour tragique!!
Une belle lecture par ma faute? Je ne me sens plus de joie ;-D
Salut Chiffonnette, tu es taguée! ce matin, sur mon blog!
Bon, encor eun japonais qui semble excellent... moi qui n'ai pas eu une expérience heureuse avec cette littérature, il faudrait que je tente!
Je t'aime bien mais... je t'ai taguée (oui, en plus de la nymphette, le résultat est le même ! )... désolée :-)http://www.tamaculture.com/index.php/2008/02/08/ca-ne-fait-rien-x6/
Je suis faible, je cède si vite à la tentation... ;-D
Yarrrrk!
Il faut trouver chaussure à son pied comme en tout! J'aime beaucoup Inoué, Ogawa et Haruki Murakami personnellement! L'avantege de celui-ci est qu'il est court!
Re -yarrrrk! Ah ben c'est sympa les filles!