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Jusqu'à plus soif

 

Kostia revient de son service militaire en Tchétchénie défiguré, brûlé, et se met à boire comme les russes savent le faire. A mort. Pour oublier, et pour rendre plus supportable le quotidien, le regard horrifié de ceux qui ne savent pas. Il boit comme buvait le vieil homme qui lui a enseigné, adolescent, le dessin.

Mais voilà qu'un de ses camarades de combat, celui qui a trop tardé à le sortir du char en feu, disparaît. Et qu'avec le restant de l'équipage, il va partir à sa recherche. Un périple où il va, enfin, apprendre à voir, à dessiner, à vivre.

 

 

Ce résumé ne rend pas justice à ce roman coup de poing. Court, intense, il vous happe et ne vous lâche plus jusqu'à la dernière page. C'est Kostia qui raconte. Il ne s'appitoie pas sur son sort, sur sa gueule cassée par la guerre. Non, Kostia se contente d'entasser les bouteilles de vodka entre deux chantiers, de les boire, d'envoyer au diable le reste du monde. Sauf la voisine qui lui demande de faire peur à son fils. Sauf ses demi-frères et soeurs. Sauf son père malgré l'enfance triste et l'abandon. Parce que Kostia reste au fond de lui-même un gentil. Paumé, maladroit, bourru, mais gentil.

Par son regard, on voit se dessiner le visage de la Russie. Pas celle des journaux, mais celle des pauvres et des nouveaux riches, celle des magouilles. Violente, froide et pourtant incroyablement chaleureuse. La Russie des gens ordinaires.

J'ai apprécié l'absence de jugements politiques, d'opinion. La guerre est dénoncée, mais pas par de grands mots et bien plus efficacement à mon sens que par de grands mots. Une jeunesse brisée, quelques dessins de Kostia qui disent l'horreur, le regard des survivants quand ils parlent et leurs voix qui se taisent quand il devient impossible de raconter aux femmes les horreurs.

 

 

La soif est une magnifique leçon de vie et d'espoir. Malgré tout, malgré les déchirures de l'enfance, malgré la peur et l'hostilité du monde extérieur, Kostia grandit, comprend. Il dessine. Incroyablement doué, il prend enfin conscience du trésor qu'il a dans les mains. Mais pas pour l'argent, non. Pour le regard. Il comprend enfin ce que voulais lui dire son vieux professeur quand il lui demandait ce qu'il voyait quand il regardait des enfants, un arbre. Parce que quand on sait regarder, et bien on sait le bonheur. On sait l'accrocher, le retenir et le savourer. On sait la beauté du monde. Et on sait, aussi, regarder au-delà de la laideur comme peut le faire un enfant parfois.

La Soif ne parle pas seulement de la Russie. Il parle aussi de l'art et de sa capacité à dire le monde, à le rendre supportable.

 

La note d'espoir qui termine le récit donne confiance en l'avenir de Kostia et de son entourage. Et c'est bien cette confiance et cette satisfaction que l'on ressent quand on tourne la dernière page.

 

Voilà une lecture que je ne saurais trop conseiller. J'ai frôlé le coup de coeur sur cette affaire, et c'est un roman que j'ai envie de partager.

 

Andreï Guelasimov, La soif, Babel, 2006, 126 p.

Commentaires

  • Je crois que c'est la première critique de lecteur que je lis sur ce livre qui m'intriguait. Tu donnes envie, y'a pas à dire ! (Anjelica, si tu passes par là, il fait à peine plus de 100 pages ;-)

  • Pfiouuu. Quelle chronique! je note!!
    @Flo: mdr :o)

  • Oh la la la que ça fait envie!!! Noté, noté, stabiloté (et en plus j'ai lu 7 romans pendant mon séjour dans le sud, donc j'ai le droit d'en acheter un ou deux, non ? Comment ça j'en ai rapporté 26 ? Pfff, broutilles et bagatelles! :)))

  • @ Flo et Choupynette: et bien je ne pensais pas que ça ferait cet effet là!
    @ Fashion: seulement 26!!!! Tu as le droit d'en acheter un ou deux sans aucun doute!! ;-)

  • je note mais pas  pour tout de suite, un peu de légérté me  fera leplus grand bien...

  • Tu ne te rends pas compte de ta force de persuasion ! :D

  • On peut dire que tu sais donner envie ! et surtout, tu sais parler des livres qui t'ont plu! Le sujet lourd me fait un peu hésiter,  j'ai peut-être envie de choses légères aussi mais comment résister à le noter dans un coin de la LAL après le post que tu viens de faire ??

  • @ Cathulu: c'est une chose que je peux comprendre! Je suis sur Les mémoires d'Hadrien en même temps et j'ai du mal! Je lorgne vers Le trône de fer d'une air enamouré!
     
    @ Flo: petit mais maousse costaud? ;-D J'en connais une autre dans le même genre!! ;-)
     
    Emeraude: j'essaie! Il m'arrive de me laisser emporter par un lyrisme sinon relativement bien muselé!! Note toujours, il viendra le temps où la LAL deviendra vitale! Ca m'est arrivé début juillet!!

  • Ah j'adore ton lyrisme! J'aime qu'on me donne envie et là, c'est fait! Il fait partie des romans de la rentrée littéraire? Si oui, il y a peut-être moyen de le passer dans les commandes de rentrée de la bibli... Et sinon, je finirai par ne pas être raisonnable.

  • Hum!!! Je me suis laissée un peu emporté!! Un moment d'égarement (répété, je sais)! Malheureusement, il ne fait pas partie des romans de la rentrée littéraire! Mais il vient de sortir en poche, ce qui le ramène à un tarif raisonnable! Ou alors il faut faire du forcing à la bib! Et hop sur la liste!

  • Il vient de sortir en poche? Alors adjugé, je le note. Moi aussi j'aurai bien besoin de prendre note de livres plus légers mais j'aime l'intensité des émotions que l'on ressent, les questions que l'on se pose avec des sujets comme celui-ci.

  • C'est vrai qu'il n'y a rien de meilleur que de vibrer en lisant quelque chose de fort! Là je vais essayer de coupler les deux!

  • Quel enthousiasme ! Et quelle force de persuasion ! Je suis conquis par ce commentaire et je note tout de suite les références de ce livre dans mon petit carnet. Merci beaucoup.

  • Et bien merci monsieur Bibliomane! Et de rien!! ;-)

  • ce livre a l'air très beau et très interessant. Tu en parles très bien, merci.

  • Mais de rien! C'était un réel plaisir de le lire et de le commenter!

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