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shinano

  • Le fleuve Shinano

     

    Yukié Takano est belle, belle comme sa mère qui s'est enfuie après l'avoir mise au monde, lascive comme sa mère qui l'a conçue dans l'adultère, libre et dure comme peu de femmes le sont dans le Japon du début du 20e siècle. Ses amours vont être à l'image du Shinano, ce fleuve qui traverse sa région natale: violents, tourmentés et imprévisibles.

    Adapté d'un roman de Hideo Okazaki, ce manga en trois tomes de Kazuo Kamimura et Okazaki est une petite merveille graphique et poétique.

    Ce n'est pas tant le scénario lui-même qui m'a marqué, que le dessin. Sobre, clair, il prend toute son ampleur dans des planches sur pleine page d'une rare beauté. On se sent basculer dans les paysages où se déroulent les aventures de l'héroïne, on reprend sa respiration avant de replonger dans les affres sentimentaux de la jeune femme. La métaphore du fleuve représentant la vie avec ses crues, ses pièges, ses tourbillons prend vie avec les représentations du Shinano. Avec ce dessin, le récit prend toute son ampleur et s'épanouit. Des poèmes s'intègrent aux planches, des extraits de lettres aussi. Un peu comme une voix off dans un film qui fait entendre la voix de personnages superbes.

     C'est si beau qu'on en oublie presque le fond de l'histoire, le parcours amoureux de cette jeune femme hors du commun. Yukié est une sorte de fleur véneuse qui fait le malheur des hommes qu'elle croise comme eux font le sien. Ce qu'elle cherche dans leurs regards, dans leurs étreintes, elle ne le trouve jamais et fuit toujours plutôt que de perdre sa liberté. En faisant cela, elle se refuse paix et tranquillité, et sombre de plus en plus profondément dans un enfer qu'elle a elle-même créé. Elle se perd, et se condamne à être rejetée par une société sévère. C'est ce parcours amoureux qui se révèle être la faiblesse de l'oeuvre finalement: on s'imprègne au premier tome de l'histoire de cette toute jeune fille, avant de se lasser petit à petit de ses aventures et mésaventures de femme fatale puis de reprendre le fil dans un troisième tome, plus sombre et amer. Autant sa personnalité peut apparaître comme complexe, et les thèmes traités au travers de sa vie intéressants (crise économique, morale sociale, prostitution et vie maritale), autant à un moment, vient un sentiment de stagnation: à force de répétition, le scénario perd malheureusement de sa force.

    Reste malgré tout ce dessin fabuleux et la paix teintée de mélancolie que l'on ressent en refermant le dernier tome.

     

    Un avis sur Critique BD, la critique de Krinein par Juro.

    Kazuo Kamimura et Hideo Okazaki, Le fleuve Shinano, t. 1 à 3, Asuka, 2008