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knud romer

  • Cochon d'allemand

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    Voilà un roman qui a fait couler beaucoup d’encre et qui me laisse un sentiment mitigé.
     
    Knud est né en1960 dans la petite ville de Nykobing Falster, de mère allemande et de père danois. Une filiation qui lui vaut d’être le « cochon d’allemand » dans un monde où la Seconde guerre mondiale a laissé des plaies profondes et où même un enfant doit payer.
     
    « Nykobing Falster est une ville si petite qu’elle se termine avant même d’avoir commencé. Quand on est dedans, on ne peut pas en sortir, et quand on est dehors, on ne peut pas y entrer. Dans les deux cas, on se retrouve du mauvais côté [..]. C’est à cet endroit que je naquis en 1960, et c’était la façon la plus sûre de ne pas exister du tout. »
    Voilà qui résume parfaitement la situation de Knud et son histoire. Sans jamais une plainte ou un jugement, l’auteur raconte l’enfance qui a été la sienne, pleine de douleur et de solitude, dans une petite ville de province poisseuse, grise et froide.
    L’école est un purgatoire, les rues sont dangereuses, les habitants adultes comme enfants indifférents au mieux, hostiles et violents au pire. Les moments qui devraient être significatifs de bonheur pour un enfant ne sont que douleur pour lui. La première neige, les anniversaires, les fêtes d’école. Chacun de ces événements est une épreuve à surmonter. Un moment où sa mère et lui-même sont en butte aux vexations et aux humiliations.
    Elle est l’allemande, la nazie, la personnification d’un ennemi qu’ils n’ont pas eu le courage de combattre et dont ils se vengent sur qui ne peut se défendre. Le pire est sans doute que leur haine envers cette femme est d’autant plus injustifiée qu’elle a tenté de résister au nazisme et a fait preuve d’un courage exemplaire. C’est ce qui marque le plus son fils d’ailleurs, la souffrance de cette mère qu’on cherche à atteindre quand on l’agresse lui. Son amour inconditionnel lui dicte d’ailleurs bien des mensonges et des omissions. Tout plutôt que de lui révéler une vérité qui pourrait la détruire. Bien sûr sa mère n’est pas dupe. Elle se tient droite et fière malgré tout, comme pour dire à son fils qu’il est possible de résister. C’est un magnifique portrait de femme qui se dessine au fil des années qui s’écoulent : on la voit d’abord à travers les yeux de l’enfant, puis de l’adolescent, et enfin de l’adulte qui peut comprendre la complexité de la personnalité de celle qui lui a donné le jour, la colère et la haine dont elle est pleine et dont elle ne peut se défaire, au point qu’elle meurt dans une douleur atroce.
    C’est aussi le beau portrait d’un enfant qui a réussi à devenir un homme malgré tout, et qui symboliquement, à la dernière page, jette la grenade de son ressentiment et de sa colère, pour enfin se libérer de ce qui a tué sa mère.
     
    Heureusement, Knud Romer ne s’arrête pas à ces seuls moments. Il retrace aussi l’histoire d’une famille pas comme les autre: une famille de tanneurs danois dont un des descendants s’engage dans les entreprises les plus loufoques et risquées d’un côté, une famille de nobles allemands rigides et fiers de l’autres. On sourit parfois, on pourrait même rire si tous n’étaient pas aussi pitoyables. Partout et toujours, le bonheur se heurte à l’échec, aux tensions familiales, au manque d’amour, aux blessures physiques et morales. La grand-mère allemande si belle transformée en spectre vivant par la bombe qui l’a brûlée sans la tuée, un grand-père danois mort d’avoir eu raison trop tôt, l’oncle Helmut marié à un dragon froid et sans cœur, un père névrotique… Tout ce monde compte pour l’enfant qu’il était sans que cela l’empêche de porter un regard critique et parfois féroce sur eux. Sur sa propre cellule familiale aussi d’ailleurs, puisque les descriptions des fêtes et des moments passés ensemble sont tempérées par la conscience de la solitude complète de ces trois êtres et du huis clos sans échappatoire qui est le leur.
    En tout cas, le regard de l’adulte sur l’enfant et ses petites histoires apporte un peu de légèreté. Il n’hésite pas à raconter que son amour de la lecture lui vient de son envie de découvrir quelle est cette mystérieuse sexualité.
     
    En bilan… Un beau texte, mais desservi par la confusion temporelle et spatiale. On passe du coq à l’âne, d’un personnage à l’autre, d’une période à une autre de telle manière qu’il est souvent difficile de savoir de quel personnage ou de quel moment il est question. Cela rend la lecture moins fluide et agréable.
    Mais le fond est tel qu’il est difficile de ne pas se laisser prendre par cette lecture. On en ressort avec l’envie de garder un peu près de soi Knudchen et sa maman.
     Merci à Fashion de me l’avoir prêté !
     

    Les avis de Lily, Fashion, Malice, Incoldblog, Bernard, Cathe, Pascal, Amy. J'ai du oublier du monde, mes excuses par avance!

    Knud Romer, Cochon d’allemand, Les allusifs, 2007, 186 p.