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hella s haasse

  • Les seigneurs du thé

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    En 1873, Rudolph Kerkhoven se rend dans les Indes orientales pour se consacrer avec sa famille à la culture du thé. De ses études à son mariage avec Jenny Roosegarde Bisschop, de ses échecs à sa réussite, on suit le parcours d’un homme hors du commun.
     
    Hella S. Haasse est loin d’inventer l’histoire de l’homme dont elle parle. Pour ce faire, elle s’est basée sur les archives de sa propre famille. On sait donc dès la préface que tout ce que l’on va lire, bien qu’en partie romancé est vrai. Du coup, ce qu’on lit est d’autant plus passionnant ! On découvre la Hollande De la fin du 19e siècle, le monde colonial à une période charnière, la naissance et le développement de la culture du thé !
    Hella S. Haasse sait transcrire les odeurs, les couleurs. On a l’impression de voir les ciels gris de Hollande, la tristesse et la raideur des relations sociales, des ciels encore plus gris quand on arrive enfin aux Indes avec leur luxuriance, la sensualité, la violence aussi. La place que prennent les paysages, véritables personnages est proprement époustouflante.
    Ce monde colonial n’est plus naissant, loin de là. Mais on a passé la charnière des grands partages, des conflits et des tensions entre colonisateurs (dans une certaine mesure seulement, je vous l’accorde). Les colonisateurs hollandais en sont à leur deuxième, voire leur troisième génération. Ils se mêlent aux populations indigènes, chinoises dans un brassage qui ne signifie pas mélange. Les hiérarchies sont reproduites, les préjugés tenaces. Si quelques uns tentent de faire le bien des populations locales, on en est à un mélange de paternalisme et de socialisme qui donne de curieux résultats.
    Mais cela n’est guère qu’un petit aspect de ce roman. Les relations familiales des Kerkhoven, les relations conjugales de Rudolph et de Jenny sont au cœur du récit. Rudolph est un homme entier, intègre, honnête. Mais ces qualités sont autant de défauts. Incompris d’une grande partie de sa famille, tous ses actes vont être jugés durement quand iol ne cherchait finalement que la reconnaissance de ses mérites. Les jalousies et les haines vont se déchaîner, parties de si petits malentendus et de si idiotes disputes que les conséquences en semblent disproportionnées. Sans le vouloir, par aveuglement et entêtement, Rudolph va provoquer le malheur de ceux qui l’entourent et surtout de sa femme tant aimée, Jenny dont il va briser illusions et rêves. Car le monde des colons est un monde où les femmes sont soumises. Soumises aux décisions de leurs pères et époux, soumises au désir d’hommes qui leurs font de trop nombreux enfants. Le destin de Jenny, usée par des grossesses et des enfants qu’elle ne désirait pas tant et par une vie dans des conditions difficiles et extrêmes qu’elle n’avait pas choisie en est un exemple. Mais sa propre mère, ses sœurs, les sœurs de Rudolph, sa fille Bertha portent autant d’histoires douloureuses.
    Dommage que le récit soit un brin lent à démarrer et trop prompt à finir. L’utilisation des archives, si elle permet à Hella S. Haasse d’appuyer son récit et de lui donner des points d’ancrage plombe parfois le propos et hache la narration au point de devenir parfois inconfortable. Entre documents et chapitres romancés, on ne sait parfois plus trop à quelle source se vouer ! J’ai aussi eu un peu l’impression que faute de correspondance, elle finit par s’appuyer sur des photographies qui laissent peu de place aux développements. Et cela au moment où les choses devenaient encore plus intéressantes !
    Seul gros bémol au final, la multitude des personnages et la complexité des relations familiales qui auraient nécessité un bel arbre généalogique, histoire de s’y retrouver ! D’autant que tout ce petit monde porte peu ou prou les mêmes prénoms !
     
    Bref, globalement une belle lecture même si ce n'est pas un coup de coeur!


    Hella S. Haasse, Les seigneurs du thé, Points, 1996, 327 p.