Anaïse cherche le père qu'elle n'a pas connu. Thomas la conduit vers l'Anse-à-Foleur, là où tout s'est noué. Mais les réponses ne sont jamais tout à fait celles que l'on attend.
On pourrait penser trouver dans ce roman le récit d'une quête des origines avec par-dessus le marché un petit choc des civilisations et un brin de compassionnel humanitaire, mais voilà, Lyonel Trouillot, lui, raconte une terre dans toute sa beauté, sa violence et sa poésie. Deux voix, une terre, et une plume qui conte plus qu'elle raconte, avec drôlerie, sagesse, sérénité, amour, Haîti. La belle amour humaine, c'est un long monologue, celui de Thomas qui prépare à sa manière Anaïse à ce qu'elle va trouver là-bas, dans ce village un peu hors du temps. Thomas qui raconte son pays, Port-au-Prince la bouillonnante et son envers, l'Anse-à-Foleur, ces riches touristes venus se donner à bon compte des sensations, ses amis artistes. La belle amour humaine c'est la voix d'Anaïse entre deux cultures. A l'origine de cette rencontre, deux meurtres: les deux maisons jumelles du colonel Pierre André Pierre et de l'homme d'affaire Robert Montès, chacun à leur manière malfaisants et violents sont parties en fumée, et avec elles leurs propriétaires. Qui est coupable? Un habitant du village où chacun aurait eu une raison de vouloir en finir avec ces deux tyrans? Sa femme? Son fils si longtemps étouffé? Et quand bien même, ne méritaient-t-ils pas de mourir pour que l'harmonie du village soit préservée? Pas de réponse puisque ce n'est au fond pas sur ces morts qu'Anaïse est venue chercher des répones. Ce qu'elle veut, elle, c'est donner une âme à l'absent, quitte à se confronter à ce pays si différent de tout ce qu'elle connaît.
J'avais aimé, sans être tansportée Yanvalou pour Charlie, là, c'est autant la très belle plume de Lyonel Trouillot que son discours et ses personnages qui m'ont conquise. Il déploie pour son lecteur la beauté d'Haïti, de ses habitants, tout en dénonçant sans pesanteur ce que la pauvreté, la dictature, le tourisme ont fait à son pays, rendant, en ce qui me concerne, son discours bien plus fort que tout ce que j'ai pu lire ou entendre jusqu'à présent sur cette île dévastée.
Stephie en parle.
Trouillot, Lyonel, La belle amour humaine, Actes Sud, 2011, 170p., 4/5